Ce n'est jamais terminé... {PV Enrik}

Quelques murmures échangés camouflés par la brise, une Lune pleine et ronde parfois dissimulée derrière un nuage sombre, un silence de mort puis soudain, un bruit de pas. Légers, rapides, presque inaudibles. De petits pas pressés qui glissaient sur le zinc à la manière d'un félin. La discrétion. Voilà le seul maître mot. Ne pas se faire voir, devenir invisible, être le complice d'une ombre et se mouvoir avec elle. Passer si vite qu'on a l'impression d'avoir aperçu un fantôme, peut-être un mirage. Qu'importe, il a déjà disparu. Les chaussures en toile accélèrent le rythme, sautant de trottoir en trottoir, volant presque. L'ombre se déplaçait avec aisance, agilité, telle une ballerine à l'allure féline. Personne ne la voyait, elle voyait tout le monde. Ou presque. Ce soir-là, on avait besoin d'elle. La nuit sombre n'était pas propice aux meilleurs augures. Les hybrides sortaient plus facilement, tels des animaux assoiffés de sang. Non, il ne fallait plus les considérer comme des êtres humains. Certes, ils l'avaient été, mais l'est-on encore lorsqu'on ne discerne plus le bien du mal ? Lorsque l'on prend plaisir à tuer ? Ce n'est peut-être pas le moment de se poser la question. Ils avaient besoin de renforts. Ils avaient besoin d'elle, c'était urgent.

Angela accéléra à nouveau le rythme. Oui elle courait. Elle ne voulait pas user de son don, pas encore. Se rendre sur place et analyser d'abord la situation, voilà la seule chose à faire. Noués en une longue natte, ses cheveux se balançaient dans son dos, tel un métronome marquant le temps qui s'écoulait. Il fallait qu'elle se dépêche. Ses pas la menèrent finalement dans une ruelle sombre. Tout était calme. Mais vous le savez sûrement, les apparences sont trompeuses. La course l'avait fatiguée, mais pas le temps de reprendre son souffle. La jeune femme pénétra dans un immeuble lugubre qui lui faisait face. Vêtue de noir, elle n'eut aucun mal à passer inaperçue. La porte se referma derrière elle. Ses yeux plissés scrutèrent l'obscurité avant que ses jambes ne l'emmènent en haut de l'escalier. Un bruissement se fit entendre. Dans un sursaut, elle chercha l'origine de ce son. Celle-ci avait de longs poils et un museau pointu. Décidément, il y avait plus de vermine dans cet immeuble que ce qu'elle ne pensait. Un autre son se fit entendre. Rien avoir avec un rat cependant. Il venait de l'autre côté de la porte. Angela s'approcha à pas de loup, prête à sortir son arme au moindre danger. Ses doigts filiformes se déposèrent sur la poignée de la porte et la tournèrent lentement.

Lorsque la porte s'ouvrit, la vision qu'elle eut de la pièce ne lui laissa rien présager de bon. L'obscurité de la pièce ne lui permit que d'entrevoir des ombres. Mais les taches pourpres sur le sol, luisantes sous les reflets de la faible lumière que produisaient les lampadaires, ne laissait nulle place au doute. De l'appréhension, puis de la crainte s'insinua dans son esprit. Qu'avait-il bien pu se passer ? Les corps d'une dizaines de soldats de l'armée régulière gisaient sous ses prunelles ambrées. Certains égorgés, d'autres avaient eu moins de chance. Inutile de détailler un tel carnage, ce n'est pas le premier qu'elle voyait et de loin pas le dernier. Elle était arrivée trop tard. Angela s'avança à pas lent dans la pièce, puis le sol craqua derrière elle.

Il ne lui fallut que quelques fractions de secondes pour sortir son arme, se retourner, et la pointer sur le nouveau venu. Mais il n'en fallut pas moins à celui-ci pour envoyer le canon voltiger à l'autre bout de la pièce d'un geste désinvolte de la main. Un autre mouvement et la demoiselle de l'équipe alpha se retrouva plaquée contre le mur taché de sang. Son esprit fit vite le tour de la situation. Elle était tombée dans un piège, et les deux pieds dedans s'il vous plaît. Du coin de l'œil, elle remarqua une demi douzaine d'ombres se rapprocher. Celui qui la retenait affichait une mine triomphante.

"Alors c'est ça les renforts ? Une minette terrifiée ?"

Des éclats de rire fusèrent de toutes parts. Des rires froids, aigus, à vous glacer le sang. Le regard d'Angela vrillait celui de l'hybride sans ciller. Ses pulsations s'étaient accélérées, mais elle savait que rien n'était joué d'avance. Elle pouvait encore s'en sortir. L'homme s'avança et lui caressa la joue avant d'ajouter :

"Je crois qu'on va bien s'amuser."

Son visage exprimait un sadisme incomparable. Cependant, son visage exprima l'incompréhension lorsque les lèvres de la jeune femmes s'étirèrent à leur tour en un sourire. Elle répliqua à voix basse, comme dans un murmure enjôleur :

"Oui, moi aussi."

En un instant, elle pénétra dans la tête de l'hybride et lui ordonna de la lâcher. L'ordre en lui-même n'eut aucun effet, mais l'étonnement d'entendre des voix dans sa tête interrompit l'hybride dans sa manœuvre. Angela retomba terre et ne leur laissa pas le loisir de réfléchir à ce qui s'était passé. En un battement de cils, elle se téléporta au bas de l'immeuble. Sa silhouette disparut ensuite dans une rue sombre. Ses pas accélérèrent à nouveau, la menant loin de cet immeuble. Elle ne pouvait savoir s'ils avaient vu où elle était passée, mais elle ne voulait pas rester pour vérifier. Elle courut le long d'une rue interminable puis débarqua soudain sur l'ancien site de l'Opéra de Sydney. Sourcils froncés, elle se rendit compte que ce n'était pas un très bon endroit. Elle était trop à découvert s'ils l'avaient suivie. Néanmoins, elle n'arrêta pas sa course. Ses pas la menèrent dans le sable fin de la plage et lorsqu'elle s'estima à une distance assez éloignée de ces hommes, elle s'arrêta pour reprendre son souffle. Dans quelques instants, elle pourrait se téléporter à nouveau et c'est ce qu'elle ferait pour retourner à la WHC afin d'expliquer ce qui s'était passé. Cependant, ses pensées furent interrompues par un bruissement familier. Des pas sur le sable. Angela porta sa main dans une poche de sa veste, prête à sortir une longue lame pour se défendre s'il le fallait. Ses yeux scrutèrent l'horizon mais elle ne voyait rien. Les pas se rapprochaient, et sentant qu'il n'y avait qu'une seule personne, elle cria :

"Qui est là ?"

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