Lost My Dr£amS __* [Alex]

Le soleil commençait à peine à se lever, et quelques rayons dissipés se faufilaient entre les nuages gris qui annonçaient cette journée comme triste et nostalgique. Il faisait de plus en plus froid, l'astre semblait rechigner à baigner de sa précieuse chaleur un monde qui ne la méritait effectivement pas. Pas une âme qui vive ne paraissait avoir pris le risque de s'aventurer dehors cette nuit, exceptée Casey évidemment. Les trottoirs désertiques donnaient à l'avenue principale de Declin Street des allures de mauvais westerns dépassés. Par endroit, on aurait presque pu imaginer les pelotes de poussières traversant la rue d'un bout à l'autre, comme annonçant le cruel duel entre la chance et le hasard...

Un coup de feux retentit au loin, suivit d'un deuxième. Mais dans ce quartier mal famé de la Bulle, plus personne n'y prêtait attention. C'était monnaie courante. L'élue avait finalement réussi à se dépêtrer de la situation hasardeuse dans laquelle elle était négligemment tombée cette nuit. L'agresseur avait un nom : Aileen, et ses motivations, inexistantes. Le temps semblait s'être arrêté pour Casey, qui cessait de chercher depuis quand elle déambulait ainsi. Mais sa tête la faisait affreusement souffrir, et le peu de raison dont elle faisait preuve d'ordinaire avait subitement disparu. Chacun de ses membres engourdis torturait son esprit éreinté, et le moindre pas était un effort titanesque. C'est alors qu'elle porta sa main à sa tempe, ne parvenant plus à stopper le tambourinement incessant de son coeur à ses oreilles. Et puis... Elle observa sa paume avec appréhension. Maculé d'un liquide visqueux, elle resta un instant bouche bée, perdue dans un flot de pensées incontrôlable.

Casey ne l'avait pas remarqué, trop amochée pour réussir à remettre un sens sur ses douleurs, elle avait perdu toute contenance, et paraissant baigner dans une enveloppe charnelle qui n'était pas la sienne. Son cerveaux aurait pu ressembler à de la pâte à modeler mélangée à de la compote de pomme qu'elle ne s'en serait pas rendu compte. Son don y était peut être pour quelque chose, mais quoiqu'il en fut, elle avait réussi à hisser sa carcasse sanguinolente jusqu'à l'Hostel Place.

Personne. L'accueil était désert. Lorie, la réceptionniste, qui n'était autre qu'une rebelle, devait être partie pour le compte de Jason. La jeune femme s'en félicita, elle n'aurait pas supporter qu'on puisse la voir dans un état aussi lamentable. Jugeant que gravir les escaliers était un jeu bien trop dangereux, elle choisit l'ascenseur.

Quelques étages plus tard, elle quitta la minuscule pièce pour entreprendre la dernière ligne droite de ce parcours du combattant improvisé. Ce n'était pas du stiple, et pourtant, quelqu'un semblait avoir pris un malin plaisir à y ajouter des obstacles. En effet, le corridor ne cessait de tourner, tel un grand huit sans demi mesure, la tête de Casey faisait des siennes, et la marche devenait soudain un périple de toute une vie.

La porte n'était plus qu'à quelques mètres lorsque les jambes de l'élue fléchirent une dernière fois. Genoux à terre, et regard vers le ciel, elle se lamenta sur son sort, jurant contre l'infecte petite peste qui l'avait mise dans cet état. Mais alors qu'elle se promit de se relever, on éteignit les lumières... Et sa tête heurta de nouveau de sol... Etendue au beau milieu du couloir, le carmin de son sang se mêlait au vermeille des tapis qui recouvraient le parquet. Son visage était d'un blanc cadavérique, et sa respiration de plus en plus faible...

« Casey ! »

« Casey… »

« Casey, tu m'entends. Comment vas-tu ? »

* Caresse égoïste que celle d'un sommeil éternel dans lequel on se laisse volontiers emporter, perdant un instant conscience du temps qui s'écoule et se moque de notre faiblesse. Mais il me tient dans ses filets, éperdue dans cette douceur incommensurable qui semble à présent envelopper mes blessures, estomper mes souffrances...

Je sais que je ne dois pas m'abandonner à cette cruelle tentation, qui m'attire presque irrésistiblement vers une émotion d'infinie complaisances, et pourtant, je ne peux détacher mon regard de cette sublime lueur diaphane qui déchire mes prunelles closes et impose un respect que je devrais blâmer.

Soudain, telle l'abominable machine qui, chaque matin me sort du pays des rêves dans une sournoise torpeur, je sens quelque chose me ramener à cette douloureuse réalité qui est la mienne. Ce scaphandre endolori m'arrache un gémissement plaintif, que je ne peux freiner et qui coule sur les lèvres tel le mince filet carmin qui salit à présent mon visage.

J'ai perdu toute contenance, me laissant dériver dans une embarcation précaire susciter par l'orgueil féminin, faiblesse parmi tant d'autres qui nous rend misérable et futile. Je ne sens que les stigmates d'une folie sans mesure, celle d'une femme, si l'on peut encore l'appeler ainsi, perdu dans le dédale de son propre esprit, emportant avec elle ce qui reste du mien.

Mais une exquise chaleur me saisit, comme la main réconfortante d'une mère dont la caresse n'aurait d'égal que celle des rayons de l'astre un soir d'été. Elle est bien plus attirante que cette lumière qui paraît maintenant aveuglante et criarde. C'est alors que je bifurque, empruntant le chemin de cette nébuleuse azure qui se dessine derrière mes paupières closes dont je reprends peu à peu conscience.

Un visage s'y dessine déjà, tel l'ange gardien de tous mes désirs, furtif et insaisissable, comme le vent entre mes doigts, ou le soleil, si doux, et pourtant si lointain. Je L'imagine, Lui, l'objet de chacune de mes pensées depuis le jour où mes prunelles ont eu l'audace de détailler une moue si délectable...

Et puis... Son odeur prend place dans ce balais admirable pour les sens. Il est là, j'en suis persuadée. Je chéris cet instant, ou je n'appartiens qu'à Lui. Rien ne peut me priver de ce brasier qui consume mes entrailles, et me redonne goût à ce court moment que l'on appelle la vie.

Enfin, sa voix, si précieuse à mes oreilles, comme une douce comptine que l'on aurait apprise, revenant sans cesse en tête, et ne s'oubliant jamais, résonne soudain.

Les maux s'envolent, balayés par cet être exceptionnel... *

Une après l'autre, les paupières de l'élue s'ouvrirent, comme redécouvrant le monde d'un regard enfantin et amusé. Un léger sourire étira ses lèvres, alors que son souffle calme et paisible paraissait être celui d'un simple sommeil, pourtant trop court. Ses grands yeux en amande étaient étirés en de larges cernes, qui ne perdaient pourtant rien des traits fins de son visage. Casey resta un instant silencieuse, avant que sa voix suave ne brise le silence du corridor.

«Beaucoup mieux maintenant...»

[Désolé, j'ai mis un peu de temps à répondre.]

Un soupir. Il semble un instant que tout le soulagement du monde habite son pauvre corps. Son lui qui ne serait devenue qu'une misérable carcasse sans le sourire de celle qui le hante, comme un rêve absolu et infini dont ne peut se défaire et qui vous auréole pourtant, de toute sa douceur chimérique. Il a les bras qui tremblent encore sous cette émotion violente qui l'avait saisit dans toute sa chair et qui se diffuse lentement pour s'apaiser, le poison de l'épinéphrine qui fit battre son cœur au delà du raisonnable. Mais il y à t-il quelque chose de réellement raisonnable dans ce monde qui glisse et danser au bord de la faille béante. Non, il n'y a plus rien de sage, plus rien et parfois il prend peur de savoir les pas de son aimée si proche du gouffre. Comme ce soir. Et plus il y pense, plus il réalise l'intolérable douleur d'une perte envisagée. Non, il ne veut même pas y penser.

Il perd la tête, un instant il n'a plus envie que de lui tenir les ailes pour qu'elle ne s'envole plus, de l'empêcher de laisser son destin aux aléas d'une fortune capricieuse. Pourtant il sait qu'il doit se taire, réduire au silence ce sentiment exclusif, mais ce soir c'est trop fort. Et les yeux fermés il l'étreint de toutes ses forces contre sa poitrine jusqu'à entendre son cœur battre avec une certitude ressuscitée. Pauvre Casey, qui n'y comprend rien aux agissements de ce pauvre fou d'Alex qui croit soudain que tu puisses t'envoler un jour et qui projette son ombre sur la tienne. Peu importe, l'instant ne compte plus, il ne compte plus que l'Elu qui a peur, oui terriblement peur.

« Que s'est-il passé ? »

Sa voix est rassurante, chantante comme un ruisseau mais il y perle quelques gouttes de colère grondant, sauvage qui vient colorer l'eau d'un rouge vermeille. Il semble soudain lui dire; Dis-moi quel est le salaud, l'ordure sans nom qui a pu te faire ça. Ne me ment pas, aucun accident banal n'aurait pu surprendre ton don et te réduire à ce point. Donne-moi un nom, Casey. Un visage, qu'importe et il paierait.
Mais ces mots ne dépassent pas le scellé de ses lèvres et pourtant il aimerait l'hurler, oh oui coincer cet enfant de catin et lui exploser le crane, le transformer en légume en déchirant la particule qui lui servit de cerveau, n'en faire qu'une loque baveuse et se débarrasser d'un vandale de plus.

Il relâche son étreinte et l'aide à se redresser. Tableau particulier que deux élus assit par terre dans un couloir froid alors que le soleil vient à peine réchauffer les bâtiments de la Bulle, mais tout cela n'a pas d'importance dans le fond. Il la regarde dans les yeux, droit puis se reprend. Un sourire, il n'est pas vaillant sur ce visage au regard inquiet mais il est présent, il la réconforte comme il peut même si son malaise lui oppresse la conscience. Il l'écoute attentivement, un regard sur le côté. Puis se lève enfin. Il lui tend une main.

« Viens, on ne va pas rester là. Tu peux te lever ? »

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